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INTERVIEW EXCLUSIVE : Arthur Guerin-Boeri revient sur ses Championnats du monde CMAS à Kazan


Arthur GUERIN-BOERI

Le 9 août dernier à Kazan en Russie, Arthur Guérin-Boëri devient champion du monde CMAS en apnée dynamique sans palme (DNF) avec sa performance à 200m (WR). France Apnée a voulu en savoir plus sur cet apnéiste de 29 ans membre de l’équipe de France FFESSM.

Le 9 août dernier à Kazan en Russie, Arthur Guérin-Boëri devient champion du monde CMAS en apnée dynamique sans palme (DNF) avec sa performance à 200m (WR). France Apnée a voulu en savoir plus sur cet apnéiste de 29 ans membre de l’équipe de France FFESSM.

France Apnée: Depuis quand fais-tu de l’apnée et de la compétition apnée?
Arthur Guérin-Boëri: Je viens de terminer ma troisième saison d’apnée, et ce Championnat du Monde met un terme à ma première saison de compétition.

France Apnée : Quel est ton parcours sportif avant l’apnée? As-tu pratiqué un autre sport à haut niveau?
A.G.B.: Non je n’ai pas pratiqué de haut niveau dans quelque sport que ce soit. Du basket en club mais j’ai arrêté à 15 ans. Sinon j’ai toujours aimé nager.

France Apnée : Le 14 avril dernier lors du trophée Parisien tu réalises 132m en DNF (2e). A ce moment là est-ce que tu pensais avoir encore une grosse marge de progression?
A.G.B.: Non je n’en avais aucune idée ! mon coach Guillaume Lescure par contre croyait déjà beaucoup en moi! J’étais déjà très content de ma perf.

France Apnée : Quel a été ta réaction après ta perf à 157m à Montluçon et l’annonce de ta sélection en Equipe de France?
A.G.B. : Après les 157m c’est la première fois que je me suis dis en sortant : « ah ouai quand même ! Y a peut être quelque chose à faire … »
En réalité vu que tout est allé très vite, de 107m en à Chartres en tout début d’année à 157m à Montluçon, je n’ai pas pu tout de suite prendre le recul par rapport à ma progression. Pour moi je donnais juste le meilleur point barre.
C’est quand le staff France (Arnaud Ponche, Christian Vogler et Olivia Fricker) m’a proposé d’intégrer l’Equipe que j’ai réellement compris qu’il y avait une grosse carte à jouer. Mais étant assez nouveau dans l’apnée et encore plus dans la compétition, je dois avouer que je m’interrogeais sur ma place dans l’ Equipe.
Je me souviens encore avoir été très impressionné par le fait d’avoir été repéré par les coachs C.Vogler, A.Ponche et notre capitaine O.Fricker. Mais de toute façon c’était que du bonheur. Une sélection en Equipe de France et un titre de vice-champion de France dans la même journée, je planais déjà à 10 milles.

France Apnée : Entre Montluçon et Kazan comment t’es-tu entraîné? Qu’as-tu mis en place pour arriver au top pour les CMAS Games?
A.G.B. : J’ai suivi scrupuleusement les conseils des coachs et du staff France d’une manière générale. Olivia Fricker notre capitaine, Kevin Provenzani notre Osteo et Robert Brunet notre préparateur mental font aussi un super boulot; indispensable.
Plus de cardio, l’utilisation des plaquettes et petites palmes aussi pour certains exercices, j’ai évidemment allongé les distances et tapé un peu plus fort dans l’hypoxie, je ne peux pas le nier.
Mais de toute façons, une fois de plus j’ai encore mis près de 40m à mon max à l’entrainement. Donc j’y comprend pas grand chose mais tout ce que je constate c’est que ça paie !
J’arrive à me dépasser en compette et j’espère que cela va durer.

France Apnée : Tes camarades du DYN ont enregistré de gros échecs (PCM/syncopes) lors des sélections. Comment as-tu fait pour gérer cet épisode? Est-ce que ces échecs ont eu un impact dans ta façon d’aborder les qualifications en DNF?
A.G.B. : Je profite de pouvoir répondre à cette question pour affirmer que Romain Doris a été victime d’une erreur de jugement. Il n’a pas syncopé. Et cette bourde de la part des juges l’a empêché de participer au DNF.
La veille des qualifs du DNF, le staff à fait un débriefing / briefing comme chaque soir afin de remobiliser l’équipe autour des 3 athlètes que nous avions décidé d’aligner en DNF. Beaucoup de monde est derrière l’équipe, le staff mais aussi des centaines d’apnéistes qui nous soutiennent et suivent notamment via Facebook. Nous devions être fiers de notre équipe et défendre nos couleurs. Cet état d’esprit est primordial. En compétition la cohésion de l’équipe doit servir.
Et Sophie Jacquin rentre avec un titre de vice-Championne du Monde en Statique à une poignée de secondes de l’or. Ce qui continue d’assoir sa place en haut de la pyramide de l’apnée mondiale.
Pour ce qui est des difficultés qu’on rencontré mes camardes, c’a m’a boosté comme jamais. À l’issue du DYN de Xavier je n’avais qu’une envie : me mettre à l’eau et envoyer tout ce que j’avais.
C’est frustrant de rester sur le bord du bassin pendant près de 5 jours sans rien faire.
J’avais envie de montrer aux autres nations que la France était là , debout, forte, et qu’elle n’avait pas dit son dernier mot.
J’ai d’ailleurs été le cheveu dans la soupe car personne ne m’attendais. Personne ne me connaissait, et je suis passé sur la dernière épreuve.
Grosse fierté.

France Apnée : En qualifications, tu frappes un grand coup en sortant 1er avec 183m! Comment s’est passé la journée après cette perf? Comment as-tu gérer ta préparation pour aborder aux mieux la finale du lendemain?
A.G.B. : Alors après les qualifs grosse ébullition au sein du staff. Qui a super géré pour me mettre au mieux. Sans oublier mes compères de combat, qui m’ont transmis toute leur énergie bienveillante. Je me suis senti pour la première fois le pion crucial sur cet échiquier Russe. Mais j’ai tout fait pour rester zen. Je suis sorti bien aux 183m, je savais que j’en avais encore sous la pédale, seule question : serais-je capable d’enchainer deux jours de suite? Je n’avais jamais fait ça, ni même à l’entrainement. Arnaud Ponche et Christian Vogler me l’avaient demandé mais je n’avais pas eu l’occasion. Quoi qu’il en soit j’étais prêt mentalement.
Direct en sortant du bassin : grosse recup sous l’oeil de Xavier Delpit dans un bassin prévu à cet effet. Puis concentration a fond pour le reste de la journée. Jusqu’au lendemain où j’ai répété exactement le même protocole que la veille. C’est pendant ce protocole de prépa que j’ai compris que j’étais encore mieux que la veille : les exercices de respi et yoga passaient bien mieux. Je n’en étais que plus confiant à la mise à l’eau.
Pourtant tout était là pour me déstabiliser : première compette internationale, je me retrouve dans l’eau avec les meilleurs apneistes au monde, dernier de l’Equipe à passer, sur la dernière épreuve du dernier jour de la compétition, la foule sur le bord du bassin à me regarder suite à ma perf de la veille qui à secoué un peu tout le monde, grosse erreur de la speakrine sur l’annonce du compte à rebours 2 minutes avant le top officiel (elle m’a zappé une minute de prépa comme ça pour le plaisir). Mais j’ai tenu le cap moussaillon ! Je touche du bois pour que ça continue comme ça.

France Apnée : 200m en DNF et Goran Colak battu! Comment s’est passé ta perf ? (avant et pendant)? Est-ce que tu réalises ce que tu as à fait ?
A.G.B. : Avant la perf je dormais debout suite à ma prepa, puis dans l’eau grosso modo c’est planage total sur les 50 premiers mètres, puis de la baston de plus en plus dure jusqu’à 165m-175m, et enfin les derniers 25m c’est surtout du « reste bien conscient des alertes, garde toute ta tête, reste là, compte les mètres, compte les mouvements etc. »
Je n’ai jamais syncopé ni fait de samba. Encore une fois je touche du bois.
Mes alertes sont multiples (mais pas de spasmes diaphragmatiques) douloureuses et précoces : elles me font sortir à temps.

France Apnée : Maintenant que tu as un titre de champion du monde et un record du monde CMAS en DNF, comment vas-tu aborder l’avenir ? As-tu déjà des idée pour la saison 2014?
A.G.B. : Et bien je vais commencer par me mettre à la mono ! Trouver une combi plus fine que la Dessault , sur mesure de préférence, j’irai chiner du côté de chez TopStar je pense. Romain Doris s’équipe déjà chez eux et ça a l’air vraiment au top.
Du reste la saison 2014 sera je l’espère la saison où je vais m’affirmer dans d’autres disciplines mais notamment le DYN. J’aimerais bien me mettre un peu à la profondeur. Sans aucune prétention bien sûr.
La saison sera consacré aussi à faire évoluer ma physio, notamment avec les exercices de cardio, en corrélation avec les conseils du staff France.
Pour l’entrainement régulier ici dans mes clubs de région parisienne, je reste un fervent adepte de la « Methode Lescure » de mon coach du même nom et dont je tairais ici les secrets !

France Apnée : D’une manière générale comment as-tu vécu cette semaine en Russie?
A.G.B. : Un souvenir qui restera gravé. Un truc que je pourrai raconter à mes marmots.
La joie d’apporter au staff et aux membres de l’Equipe une belle victoire comme celle-ci. Et surtout de les avoir vu tous chialer comme ça quand je suis sorti du bassin ! aah c’était beau !

France Apnée : Et l’apnée dynamique? Et l’apnée statique? (pour mémoire tu avais réalisé 154m en DYN et 5’41 » en STAT lors des France)
A.G.B. : Pour le DYN je vais laissé ma paire de RGZ et il va falloir que j’encaisse pas mal de kilomètres avec ma future mono pour maîtriser le mouvement.
Je ne sais absolument pas ce que ça va donner.
Côté matos je viens de me procurer une Oleg plate un peu trop rigide que je vais faire assouplir, et pour la mono performance j’ai choisi de faire confiance à Triton.
La statique on verra comment ça évolue, mais je ne mise pas trop dessus. Ce n’est pas ce que je préfères. J’ai sorti 6″15s a sec sans carpe à l’entrainement. Je vais continuer les séances avec Laurent de Beaucaron qui m’aide entre autre pour ma prépa statique et inch’Alla !

France Apnée : Plusieurs athlètes qui étaient à Kazan comme Goran Colak, Ilaria Bonin ou encore Aleksandr Kostyshen participent aussi au circuit AIDA. Et toi? Est-ce que c’est un circuit qui t’attire?
A.G.B. : Pour l’instant je suis bien où je suis. Je cherche à faire au mieux et à prendre du plaisir bien sur. Après la fédé… Pour l’instant je ne me pose pas la question. Je crois que le problème est qu’il faille faire un choix surtout.
En tout cas je suis super bien entouré, le staff France est énorme.

France Apnée : Pour finir, as-tu quelques choses à ajouter aux lecteurs de France Apnée?
A.G.B. : Ecoutez votre intuition, agissez d’instinct.
Et buvez une bonne bière entre potes de temps en temps aussi!

Merci à toi et encore bravo pour cette incroyable saison.

Crédit Photo : Olivia FRICKER